Non Monsieur le maire, je ne repartirai pas tout nu !

Après s’être invitée au conseil municipal de Tours la semaine précédente, la polémique liée à l’achat par le syndicat des transports en commun de l’agglomération tourangelle de matériaux chinois destinés aux aménagements urbains liés au chantier du tram a rebondi lundi 28 novembre à Joué-lès-Tours. En marge du débat consacré aux orientations budgétaires, l’élu UMP jean-Christophe Turot s’est interrogé sur ce choix. Philippe Le Breton, le premier magistrat jocondien, a vite refermé ce dossier, qui n’est pas de la compétence de sa ville. Et glissé au passage à son conseil municipal et au public présent dans la salle que si « chacun devait jeter sur le champ  les vêtements fabriqués en Asie », beaucoup repartiraient en tenue légère.  Un argument déjà développé auparavant par

Jean Germain ou bien encore Jean-Luc Paroissien, le directeur général de Cité Tram. De là à penser qu’il s’agit d’un « élément de langage », comme disent maintenant les journalistes politiques pour qualifier une variation récente de la séculaire langue de bois…

Alors, devrais-je, moi aussi, sortir de l’hôtel de Ville de Joué tout nu ou presque si une telle mesure était en vigueur ? Dès mon retour à la maison, après avoir couvert ce conseil municipal, j’ai tenu à vérifier l’origine de mes vêtements.  Pas toujours facile, au demeurant, de retrouver les petites étiquettes blanches où figurent en principe cette information, au milieu de diverses indications sûrement très utiles : température maximale de lavage, coton, polyester, les deux mon capitaine…  J’aurais eu intérêt à en tenir compte la dernière fois que j’ai fait une machine – c’est rare, je l’admets – pour éviter que mon tee-shirt blanc, celui que j’aimais bien malgré un petit trou sous le bras gauche, ne prenne une infâme couleur qui oscille entre le marron et le vert.

Me voilà donc, cahier à portée de main – l’outil indispensable du journaliste en reportage – en train de m’effeuiller comme un chippendale mondialisé devant le panier à linge. Première étape et première déception : les chaussures. Une paire de « shoes » que je croyais anglaises, noires à coutures jaunes et qui portent le nom d’un célèbre docteur orthopédiste. Pour moi c’est sûr,  elles sont 100 % british. Erreur! Vérification faite, elles sont fabriquées en Thaïlande.

Mon pantalon, lui, sort d’un atelier de confection turc. Reste à savoir de quel côté du Bosphore : sur la rive européenne ou celle de l’Asie mineure ?  Dans le doute, je l’élimine.

Eliminé aussi mon pull, made in Vietnam. Heureusement, dans la manche de ma chemise, une étiquette précise qu’elle a été fabriquée dans la CEE pour le compte d’une entreprise allemande : je peux la conserver !

Reste la question délicate des chaussettes et de mon caleçon. Ce sont des apatrides : ils ne comportent nulle mention de leur provenance. Il faudrait retrouver leurs emballages d’origine, mais à la différence du carton de la télé qui dort au grenier – il faut, m’avait précisé  le vendeur, le conserver dans le cas d’un retour au service après-vente – ils ont été embarqués dans le camion à destination du centre de tri de la Grange-David. Dans le doute, je les mets hors-jeu.

Alors, aurais-je du, effectivement, quitter la salle du conseil municipal à poil ou presque si j’avais été contraint de jeter mes vêtements « from Asia » ? Eh bien non grâce à toi, mon bon duffle-coat qui arbore fièrement une étiquette tricolore : tu as été fabriqué par des mains bretonnes ! Bon, c’est vrai, le drap de laine a peut-être été acheté à l’étranger, comme les fameux pavés. Qu’importe tu me sauves la mise : je peux sortir (virtuellement) de l’hôtel de ville en chaussettes mais vêtu, au moins jusqu’aux genoux. Cela vaut mieux, la température était frisquette ce soir.

Ah, j’oubliais l’écharpe. Elle non plus n’a pas d’étiquette mais je refuse de m’en séparer : c’est un cadeau d’anniversaire des enfants qui ont, je le sais, puisé dans leurs tirelires pour me l’offrir. Alors elle peut bien venir de Chine, elle est pour moi du pays du coeur.

Je peux donc l’affirmer : non, Monsieur le maire, je ne serais pas reparti tout nu. Mais c’est c’est vrai, il s’en faut de peu…

 

Je refuse de me séparer de mon écharpe, quand bien même elle viendrait d'Asie : c'est un cadeau !



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2 comments


  1. Christophe Gendry

    Chez les enfants c’est l’intention qui compte !

  2. « Mon écharpe elle vient du pays du coeur » et on est sûr qu’il n’est pas de pierre ce coeur, avec un si joli cadeau :)