Des graffitis à l’abri des brigades d’effacement

Au premier regard, Tours n’est pas une ville à graffitis. Pourtant, en ouvrant bien l’œil, le chasseur de fresques urbaines peut tomber sur de vraies perles.

Quand on pense graffiti, à Tours, on a souvent en tête le long mur de la rue Edouard-Vaillant et ses dessins bien défraîchis vantant l’arrivée du TGV en… 1987 ! Si ces œuvres sont les fresques murales les plus visibles dans la région, on en recense de bien plus fraîches ailleurs. Il faut cependant bien chercher, ne pas s’attendre à voir des graffitis sur les murs les plus visibles. En dehors, bien sûr, de quelques tags basiques, à la portée artistique plutôt limitée, et souvent rapidement effacés par les équipes anti-graffitis de la mairie. Zones industrielles, bords de Loire, skate-parcs et le dessous des ponts sont les lieux les plus investis.

C’est donc souvent à l’abri des regards que l’on découvre les fresques de la scène graff de Tours et de l’agglomération. Une scène relativement active, malgré sa discrétion. Plusieurs collectifs se partagent le terrain. Les Grabouilleurs par exemple : Cami, El Niño et Topaz se sont rencontrés autour d’un mur, évidemment. Si chacun a son style, sa spécialité, les trois graffeurs travaillent régulièrement ensemble. Et partagent d’ailleurs un atelier d’artiste rue de la Morinerie, à Saint-Pierre-des-Corps.

Si le côté « hors-la-loi » reste au cœur historique du mouvement, obtenir l’aval – ou l’amont, une fois le graffiti réalisé – de propriétaires pour investir un lieu peut simplifier la démarche. Comme pour ce mur recouvert de fresques, le long de la voie ferrée, rue de la Morinerie à Saint-Pierre. Les municipalités restent cependant souvent frileuses face aux collectifs qui investissent des murs. « Le graffiti s’est beaucoup institutionnalisé en quelques années, constate Topaz. C’est devenu moins élitiste, plus populaire. Cela a été parfois récupéré par des personnes qui ne comprennent pas nécessairement la démarche. Certaines collectivités qui font faire des ateliers de “ street art ” aux jeunes sont d’ailleurs les premières à faire de la répression. »

“ Investir une usine désaffectée, c’est faire renaître un lieu ”

Zones industrielles et murs gris restent la cible de prédilection des graffeurs. « Investir les murs d’une usine désaffectée, c’est faire renaître un lieu où il y a eu de la vie, un endroit en activité pendant des années, puis délaissé, abandonné. » Mettre de la couleur dans des lieux ternes : l’idée ne plaît pas à tous. « Quand un lieu est choisi avec l’autorisation de la mairie, ça passe. Mais si c’est un choix personnel, c’est réprimé. Même si c’est un endroit complètement abandonné, ou même en intérieur. C’est complètement paradoxal. » Les forces de l’ordre peuvent alors sévir, les graffeurs le savent, et ont parfois déjà expérimenté les interpellations. Ce qui participe sûrement à la montée d’adrénaline et rend l’activité créatrice encore plus palpitante.

Entre eux, les graffeurs se passent « les bons plans, les endroits où il y a du patrimoine à réutiliser, à faire revivre. » Le quotidien du street art, c’est donc souvent, d’un côté les propriétaires et les autorités municipales qui tiennent à garder leurs murs intacts. De l’autre, les graffeurs, qui soulèvent un « besoin d’expression sur grand format. Il y a ce plaisir de graffer sur un lieu qu’on a découvert, qu’on réinvestit et dont on participe à la renaissance », raconte El Niño. Des lieux parfois très cachés, avec des graffitis qui peuvent rester inconnus pendant des dizaines d’années.

Un art qui demande un investissement financier – achat des bombes notamment – pour les artistes qui ne sont pas rémunérés. « On y investit du temps, de l’argent, et de l’énergie. » Obtenir des murs où peindre légalement se fait souvent au forceps. « On peint peu à peu en journée pour que les gens voient que l’on est là en toute légalité. Certains appellent encore la police pour leur dire qu’il y a des vandales qui peignent sur les murs ! Faire comprendre aux gens qu’un mur est plus joli coloré que tout gris reste un défi ! »

Naëlle Le Moal

le chiffre

7.854

C’est le nombre d’interventions menées pour l’effacement de tags en 2010 par le service de propreté urbaine de la ville de Tours. 4.500 m2 de surfaces ont ainsi été effacés, pour un coût de 90.000 E. Pour qu’un graffiti ou tag soit effacé, il doit s’agir d’un « graffiti sur façade, avec visibilité et accessibilité depuis la voie publique et autorisation express du propriétaire du support tagué, précise le service propreté urbaine de la Ville. En revanche, une intervention d’office est possible en fonction du message, par exemple s’il s’agit d’un tag à caractère injurieux ou incitant à la violence. »

lexique

> Crew. Équipage, bande de graffeurs.

> Graffiti. Fresque murale réalisée avec des bombes de peinture aérosol.

> Jam. Rassemblement spontané de graffeurs autour d’un mur.

> Tag. Il s’agit souvent d’une simple signature, rapidement exécutée, et dont la puissance artistique est limitée.

> Toyer. Repasser ou dégrader un tag ou un graff de quelqu’un que l’on n’apprécie pas beaucoup, ou vu comme un concurrent.

> Vandal. C’est le fait de réaliser un graff ou un tag sans autorisation.

Source : http://espacedefis.com

sur le net

Un diaporama est en ligne sur le site internet de La Nouvelle République. Les graffitis pris en photo se trouvent à Saint-Pierre-des-Corps, sous le pont Napoléon (île Simon), en bords de Loire…

 



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