Les femmes arrivent à la Manu

Des ouvrières de la manufacture posent en studio. (Collection particulière)

Des ouvrières de la manufacture posent en studio.
(Collection particulière)

Marie-Claude Albert, Pierre Bugnet, David Hamelin et Patrick Mortal ont publié en septembre dernier (chez Geste Editions) un ouvrage imposant sur l’histoire des hommes qui ont fait la Manu.

La rédaction châtelleraudaise de La Nouvelle République/Centre Presse a décidé de consacrer à cette bible, jusqu’au mois de juin prochain, une série d’articles signés des deux auteurs châtelleraudais Marie-Claude Albert et Pierre Bugnet.

Ces chroniques hebdomadaires sont également relayées ici, sur Zoom Arrière.

La guerre intensifie le travail féminin

Plus de 1.500 femmes ont travaillé à la Manu de 1915 à 1918 pour remplacer les hommes mobilisés.

Le recrutement débute le 27 mars 1915 (114 embauches). L’effectif féminin a décuplé en deux ans pour atteindre 1.569 au 1er octobre 1917.

Un phénomène vivement encouragé par le ministre qui juge le recrutement insuffisant à Châtellerault où avec moins de 10 % du personnel, le taux est inférieur à celui des autres manufactures.

Ces femmes sont en priorité employées à la production comme « usineuses » ou « visiteuses ».

Ces dernières sont chargées de contrôler des pièces, une nouvelle attribution pour les femmes.

Certificat de «  bonnes vie et mœurs  »

Autre fait nouveau, des ouvrières professionnelles sont recrutées à la suite d’un examen d’aptitude. Une formation au meulage et à la rectification d’outillage est même dispensée sur place si bien que des usineuses parviennent à confectionner les délicats forets à percer les canons de fusils tandis que d’autres deviennent affûteuses ou limeuses.

Cependant la conception du travail féminin demeure traditionnelle à l’image de cette circulaire de la direction du 25 novembre 1916 : « Le travail confié aux femmes consiste toujours dans des opérations simples pour lesquelles il faut à la fois moins de force, moins d’attention. »

La confiance est loin de régner : à l’embauche, les femmes doivent présenter un certificat de « bonnes vie et mœurs » et les motifs d’exclusion confirment cet état d’esprit.

Elles travaillent dans des ateliers séparés et leur salaire est inférieur à celui des hommes sous prétexte qu’il revient plus cher d’embaucher des femmes car il faut davantage contrôler leur travail.

En 1916, une usineuse gagne 0,30 francs de l’heure (0,50 pour un usineur). La durée effective du travail de jour est de 9 h ¼ et en 1918, les deux-tiers des femmes travaillent la nuit (9 h).

Mutées dans plusieurs ateliers ou employées parfois moins de 15 jours, elles subissent une forte mobilité.

En octobre 1919, il n’en reste plus que 84

Après la démobilisation, la quasi-totalité des femmes est licenciée. En octobre 1919, il n’en reste plus que 84, surtout des veuves de guerre.

Le sort de ces centaines d’ouvrières n’intéresse guère l’opinion publique et une lettre anonyme affirme même qu’« il est juste de mettre les femmes dehors et de prendre les hommes qui ont défendu vaillamment leur patrie ».

Il demeure cependant les aménagements installés grâce au comité de travail féminin créé par le ministère : tabourets et ventilation dans les ateliers, une sage-femme, une chambre et des dispositions pour allaiter, un projet de crèche, un congé de maternité de 8 semaines, autant d’innovations sociales qui vont marquer l’entre-deux-guerres.

Marie-Claude Albert

Prochain épisode : les évolutions de l’entre-deux-guerres

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