11 novembre 1918. Finish, la guerre !…



11 novembre 1918.

Finish, la guerre !…

C’est le cri des Américains qui passent, ivres de joie.

Finie la guerre !

A 11h tapant, les cloches des églises de Lure, de tous les villages se mettent en branle. Les femmes sanglotent de joie, de douleur, elles ne savent pourquoi. Elles pleurent, elles sont heureuses. Les gosses crient, soufflent dans des trompettes. Les chiens aboient, excités par ce tohu-bohu. En un clin d’œil toutes les fenêtres ont été pavoisées.

Le vieux tambour de ville est allé s’endimancher, il a accroché sur sa veste la Médaille de 70 et d’un pas allègre, le buste redressé, l’œil brillant, il défile en tapant sur sa caisse à travers les rues de la petite ville.

La guerre est finie.

(Bedel colle le titre d’un journal : LA GUERRE EST GAGNEE )

Et le soir, dès la nuit venue, la petite ville bombardée a illuminé ses devantures, allumé tous les becs électriques de son boulevard. Le porche de l’église est fleuri d’ampoules lumineuses, le balcon de l’Hôtel de ville enguirlandé de lumignons. Aux fenêtres tremblotent les flammes menues et fragiles des lanternes vénitiennes. Les pétards se sont substitués aux canons. Jamais on n’a couru à Lure autant de dangers qu’aujourd’hui : les gosses lancent au nez des passants des engins explosifs parfaitement désagréables. Un ballonnet rouge s’est élevé dans l’air : la batterie anti-aérienne du Mont-Rendou ouvre sur cette bulle un feu violent : une cinquantaine d’obus sont tirés en vain sur l’objet qui navigue effrontément vers l’est. Ces artilleurs, ça ne veut pas se taire ! Dieux ! depuis plus de cinquante mois qu’ils nous brisent les oreilles !

Nous sommes vainqueurs ! Et de quelle guerre ! Il est très difficile de se définir l’état d’esprit d’un vainqueur… Nous sommes vainqueurs. Nous avons bu du champagne. Nous avons pris notre visage des jours de fête. Nous sommes fiers d’être en bleu, d’avoir des palmes sur notre croix de guerre. Foch est devenu en quelques heures un considérable monument historique. C’est à qui racontera comment il reçut, à Rethondes, dans un wagon-salon les cinq plénipotentiaires. Pour chaque narrateur une version différente où se retrouve cependant un Foch de glace, de bois ou de crin qui lit, en mâchonnant sa langue, les conditions d’armistice devant cinq Allemands avalant difficilement leur salive.

Nous sommes vainqueurs. Un train transportant des troupes américaines passe en gare : les hommes kaki sont assis, couchés, debout sur le toit des wagons et poussent avec ivresse des cris d’animaux. Ils sont vainqueurs !…

Les gamins de la ville ont sorti clairons, cors de chasse, tambours… Tout ce qui clame. Bras dessus, bras dessous ils défilent, chantant : « La République nous appelle… Pour elle un Français doit mourir… » Des monômes se forment qui conspuent Guillaume.

Et Eux !… Là-bas, par-delà le Rhin… Eux !… Quelle misérable fin de rêve[…]

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Une réponse à 11 novembre 1918. Finish, la guerre !…

  1. GUILLOTEAU, Michel dit :

    Ouf … fin de la boucherie, il y a eu des victimes bien inutiles jusqu’à la dernière minute avant la sonnerie du cesser le feu (morts au combat) mais de nombreux blessés graves dans les hôpitaux vont m0urir des suites de leur blessures. Tous les amputés, gazés,gueules cassées qui vont trainer leurs blessures jusqu’à la fin de leur vie.
    L’armistice n’est pas la démobilisation, mon grand’père âgé de 42 ans marié 3 enfants , dans les premiers a être démobilisé n’est rentré à la maison qu’à la mi-janvier (J’ai son livret militaire).

Répondre à GUILLOTEAU, Michel Annuler la réponse.

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