Histoire de la BD dans la Nouvelle République: acte 4 Y’a qu’un cheveu sur la tête à Nimbus



L’histoire

24 août 1946, au cœur de l’été. Un nouveau strip, toujours aussi muet fait son apparition. La NR salue l’événement avec une ligne de titre : « Moustache est mort, vive Nimbus ». Y’a qu’un cheveu sur la tête à Nimbus, et c’est un poil en forme de point d’interrogation.

C’est déjà un vieil habitué de la presse, ce professeur binoclard distrait, très chic, en habit noir, chaussures vernies et nœud papillon à pois. Il est né le 16 septembre 1934 dans les locaux de l’agence de presse de Paul Winkler, Opera Mundi d’abord publié par Le Journal  où il commence une longue, très longue carrière de star populaire.

La plus populaire probablement de toute la presse française. Il va donc effectuer un petit passage de deux ans dans la Nouvelle République avant de tirer sa révérence et de continuer à fréquenter les colonnes des quotidiens régionaux (comme la Voix du Nord où il amusait encore les lecteurs en 1991 ou le Progrès de Lyon qui en publiait des sélections en 1993).

Avec un total fabuleux de 13.311 bandes muettes à son actif. Sans compter un patronyme désormais synonyme de « savant fou », une chanson de Chantal Goya (eh, oui, en 1988) et une émission scientifique sur la télé suisse qui a toujours beaucoup d’audience.

L’auteur

André Delachenal dit Daix (1905-1976) puis J.Darthel. Compliquée l’histoire du professeur Nimbus. André « Daix » en est indiscutablement le père et va le dessiner jusqu’en 1944. Accusé de collaboration (notamment à Jeune Force, journal d’un mouvement de jeunesse maréchaliste, mais il travailla aussi au Matin où il dessinait Le Baron de Crésus entre 1940 et 1942, étrange sosie du professeur Nimbus), Daix s’enfuit au Portugal puis en Amérique Latine.

La netteté et la précision du trait de Pierre Daix sur ce strip.

Dans les années 1950-1960, on ne sait pas vraiment qui prend Nimbus en charge : point d’interrogation. Les historiens de la BD parlent d’un certain Russe ou Danois du nom de Lief (ou Léon) de Enden (ou Lieif de Heinen)*. D’autres pensent que c’est Paul Winkler qui, reprenant, dès la Libération, la destinée de son chouchou en mains, crée un pseudo collectif : Jean Darthel (ou plutôt J. Darthel).

Un extrait d’une bande signée elle J.Darthel (on distingue nettement la signature). Certains historiens de la BD mettent donc un Jean derrière ce J. mais rien n’est vraiment sur.

Derrière lequel se cachent des dessinateurs comme ce Léon de Enden, par conséquent, mais aussi Paul Winkler lui-même (si, si !), Rob’Vel en 1971 (Robert Velter qui a créé d’un coup de jet d’eau de Seltz, un groom nommé Spirou, en 1938), un certain Lefort et surtout le Malouin Pierre le Goff qui sera le dessinateur de Nimbus de l’ère moderne (à partir de 1981), abandonnant le pseudo pour revenir à sa propre signature. En ce qui concerne la première bande publiée en ce mois d’août 1946 dans la NR, regardez bien sous la poubelle en bas à gauche de la case : on peut déchiffrer (à la loupe) un J.Darthel. Dont acte.

Alain Beyrand sur son site Pressibus, n’exclut pas l’hypothèse que Daix, amnistié et revenu discrètement de son exil politique, ait prolongé un temps tout aussi discrètement (que clandestinement) son travail abandonné en 1944.

Sources. L’histoire de la BD dans la NR est le fruit d’un travail de recherche d’Alain Beyrand (www.pressibus.org), puis d’une exposition de la Nouvelle République à Blois dans le cadre de BD Boum dont l’essentiel est reproduit ici.
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À propos de Erwann Tancé

C’est à Angoulême qu’Erwann Tancé a bu un peu trop de potion magique. Co-créateur de l’Association des critiques de Bandes dessinées (ACBD), il a écrit notamment Le Grand Vingtième (avec Gilles Ratier et Christian Tua, édité par la Charente Libre) et Toonder, l’enchanteur au quotidien (avec Alain Beyrand, éditions La Nouvelle République – épuisé).
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